Des experts passent au crible le nouveau code douanier

Written by on July 2, 2023

Publié au début du mois de mars de cette année, le nouveau code des douanes, dont la publication est prévue pour le mois d’octobre prochain, se trouvait au cœur des discussions le vendredi 30 juin, à l’hôtel El Rancho, au cours d’un petit déjeuner-débat, organisé sous les auspices de la Chambre franco-haïtienne de commerce et d’industrie. À l’occasion de cet évènement,  Edouard Vales Jean Laurent, ancien directeur de l’Administration générale des douanes (AGD) et Carlos Exantus, un ancien haut cadre de ladite institution, ont présenté et analysé le contenu du nouveau code douanier alors que l’économiste Etzer Emile a réalisé une analyse contextuelle en fonction des indicateurs macroéconomiques.

Dans son intervention, l’économiste Etzer Emile rappelle que le pays plonge dans une récession économique et que cela implique que les entreprises ne performent pas suffisamment.  Il a fait des considérations sur l’inflation, le change, les investissements privés, les importations, etc.  « Les importations ont baissé considérablement. D’octobre 2022 à mars 2023, c’était une baisse de plus de 25%. En attendant la publication des chiffres récents, cette baisse s’accentue davantage et approche le niveau de 50%. Paradoxalement, les recettes douanières ne cessent d’augmenter », a affirmé Etzer Emile.

Plus loin, l’économiste remet en question la motivation profonde du nouveau Code douanier. « Si une réforme ne peut pas booster des investissements,  faciliter davantage les affaires, approfondir l’intégration économique et commerciale, à quoi sert-elle ? Si ça doit contraindre davantage juste pour s’assurer d’avoir des recettes douanières plus importantes, il faut donc questionner la motivation. Il faut tenir compte également des impacts éventuels sur les entreprises, les prix, la demande globale, les conditions socioéconomiques », a déclaré l’économiste, soulignant aussi l’argument présenté par le gouvernement, à savoir la recherche de la cohérence et de l’alignement par rapport à certaines dispositions internationales.

Pour sa part, Edouard Valès Jean Laurent  a présenté ce nouveau Code des douanes comme une action partagée, divisée et discutée entre tous les pays membres de l’Organisation mondiale des douanes. Pour lui, c’est une obligation internationale. «  Ce nouveau Code des douanes pour qu’il puisse avoir pleinement effet en Haïti, l’Etat haïtien doit procéder à sa ratification.  Cela permettra à la douane d’avoir le pouvoir et l’obligation de s’organiser pour le développement de ce code et son utilisation afin de rester dans le rang des autres pays ayant adopté les mêmes principes, incluant dans ce nouveau code », a soutenu l’ancien directeur de l’AGD, précisant qu’il n’est pas là pour dire si l’Etat a tort ou raison.

«  Si on a peur de ce code, mieux vaut ne pas l’approcher. Il est préférable d’entrer à l’intérieur de ce code parce qu’il y a des tournants qui y ont été pris selon les normes internationales », a argué Edouard Vales Jean Laurent, soulignant qu’il est impératif d’approfondir certaines zones d’ombre qui laissent un peu perplexes beaucoup de commerçants et d’industriels qui se plaignent de l’utilisation abusive du code douanier. « Il y a beaucoup de choses positives à tirer de ce nouveau Code des douanes, lequel laissera tomber la valeur en douane de Bruxelles, indiquée dans le code douanier de 1987 au profit de la valeur transactionnelle des marchandises importées. Il y a aussi le droit de recours, existant déjà dans le Code de 1987 mais très timidement,  qui se renforce avec la possibilité de le faire à trois reprises.  Il faut mentionner la possibilité de soumettre le manifeste de chargement par voie électronique. Le code présente d’autres avantages notamment par rapport au délai de six mois accordé pour le séjour des marchandises placées sous le régime de l’entrepôt, prévu par le Code de 1987, maintenant il est élargi à deux ans et les frais exigés à cet effet sont annulés dans le nouveau code », a-t-il poursuivi.

De son côté, Carlos Exantus ne partage pas l’idée de ceux qui font croire que le code douanier de 1987 est dépassé. « Quand le Code douanier de 1987 avait été adopté, le pays allait prendre une nouvelle voie, celle  de la libéralisation. Donc, il fallait avoir un nouveau code douanier. Jusqu’à date, il n’y a pas de changement de régime », a- t-il argumenté, soulignant que le code douanier de la France date de 58 ans.

En réponse à certaines interrogations soulevées par Etzer Emile, Carlos Exantus a fait savoir que la mission économique de la douane avait été prise en compte dans le Code des douanes. « La douane, c’est l’administration de la frontière et c’est l’administration des marchandises en termes de définition. Au moment d’élaborer le code sous la direction de M. Vales, il était question de rendre le pays beaucoup plus attractif et d’augmenter ses indices de compétitivité. Il y avait un programme basé sur la gestion des risques. Les importateurs qui étaient en règle pouvaient dédouaner leurs marchandises en un jour mais d’autres qui n’étaient pas en règle avaient besoin de plusieurs jours », a expliqué M. Exantus.

Le nouveau code comprend beaucoup de subjectivités et d’imprévisibilités, selon Carlos Exantus. Il reproche aux dirigeants le fait de n’avoir pas pris le temps de vulgariser le code avant même de le publier.

Au cours de ce petit déjeuner-débat, la Chambre franco-haïtienne de commerce et d’industrie a mis en exergue les articles 119, 141, 144, 148, 174, 183, 240 et 241 qui traitent respectivement des questions relatives au statut d’opérateur économique agrée, du crédit d’enlèvement, du régime d’entrepôt douanier, du drawback, du régime des retours, de la transformation sous douane et du droit de transaction.

Par Gérard Junior Jeanty
30 juin 2023 | Lecture : 4 min

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