Ariel Henry : deux ans au pouvoir, seul, sans mandat, sans contre-pouvoirs, sans opposition et sans bilan

Written by on July 20, 2023

Le Nouvelliste | publié le 19 juillet 2023 – nstallé le mardi 20 juillet 2021 à la Primature au Bicentenaire, une zone aujourd’hui totalement contrôlée par des gangs armés, deux ans après, le Premier ministre Ariel Henry n’a tenu aucune de ses promesses. Avec deux accords politiques au compteur publiés dans le journal officiel du pays, Le Moniteur, le neuro-chirurgien, le seul chef à la tête du pays, est incapable de donner vie à la transition.

Moins de 15 jours après l’assassinat du président Jovenel Moïse le 7 juillet 2021, Ariel Henry a pris les rênes de la Primature le 20 du même mois d’où il dirige le pays depuis exactement deux ans seul, sans contre-pouvoirs et pratiquement sans opposition. La poursuite de l’enquête sur l’assassinat du président Jovenel Moïse, la lutte contre l’insécurité, l’organisation des élections, la relance de l’économie ont été, entre autres, les priorités du Premier ministre au lendemain de son accession à la Primature.

Sans légitimité ni mandat officiel, toutes les promesses d’Ariel Henry devraient passer par la signature d’un large consensus politique et l’implication de plus de secteurs possibles de la société dans la gestion du pays. Ce qui avait donné lieu à un premier accord politique, l’accord du 11 septembre publié dans le journal officiel du pays, signé par des anciens opposants farouches à Jovenel Moïse et des secteurs non représentatifs de la société civile. Cet accord n’a pas eu l’effet escompté.

Ce premier accord, appelé Accord pour une gouvernance apaisée, publié dans un numéro spécial du journal officiel de la République d’Haïti, Le Moniteur, le vendredi 17 septembre 2021, signé par Ariel Henry, prévoyait de : restaurer l’autorité de l’État et créer un climat sécuritaire pour ramener la paix et la confiance de la population ; renforcer les forces de sécurité nationale, la PNH, les FAD’H et les services de renseignements et d’intelligence; créer un espace de dialogue permanent pour aborder les questions d’intérêt national; création de l’Autorité de contrôle et de suivi (ACS); revoir les décrets pris par l’ancienne administration en consultation avec l’ACS; renforcer la coordination des réponses humanitaires et initier la reconstruction du grand Sud dévasté par le séisme du 14 août 2021; garantir une distribution saine de la justice et s’assurer de l’avancement des dossiers relatifs aux crimes de sang, entre autres, l’assassinat du bâtonnier de l’ordre des avocats de Port-au-Prince, Monferrier Dorval, et du président Jovenel Moïse, les massacres dans les quartiers populaires; veiller à l’avancement des dossiers relatifs aux crimes finanicers en général perpétrés sous les administrations antérieures et au dossier PetroCaribe en particulier; réaliser l’audit de l’administration publique, plus spécialement des organismes autonomes à caractère financier de l’État; créer les conditions pour la tenue d’élections générales au plus tard à la fin de l’année 2022 sous l’empire de la nouvelle constitution et l’installation des élus légitimes au début de l’année 2023… », entre autres.

Aucun des points de ce premier accord politique n’a été respecté pendant les 12 premiers mois d’Ariel Henry à la tête du pays.

Le Premier ministre, ses alliés signataires du premier accord et des illustres inconnus ont signé un deuxième accord politique, l’accord du 21 décembre 2022. Encore une fois, le document a été publié dans le journal officiel du pays, Le Moniteur en date du mardi 3 janvier 2023.

Comme le premier accord, celui du 21 décembre prévoit le rétablissement de la sécurité dans le pays, le dialogue, un gouvernement avec plus de participation, la création du Haut Conseil de la transition (HTC), la création d’un organe de contrôle de l’action gouvernementale, la formation d’un Conseil électoral provisoire, l’organisation des élections, entre autres.

Environ huit mois après la signature de cet accord, seul le Haut Conseil de la transition (HTC) a été créé. Cette structure a pour mission de contribuer à la définition des orientations stratégiques des pouvoirs publics à travers : « la création de conditions politiques et sociales pour le retour à l’ordre constitutionnel à travers des élections libres, crédibles et transparentes; la promotion d’un dialogue politique pour la participation des différents acteurs à la gestion de l’État durant la période de transition; la création des conditions nécessaires pour le retour à un climat de sécurité et de paix; participer aux remaniements ministériels, aux changements dans les hautes directions de l’administration publique et aux réformes dans la diplomatie haïtienne », entre autres.

Les signataires de l’accord du 21 décembre ont convenu par ailleurs, « que la période de transition englobera les nouvelles élections générales qui se tiendront en 2023 et l’entrée en fonction d’un gouvernement nouvellement élu le 7 février 2024. » Rien n’a été fait pour atteindre cet objectif.

Joseph Dominque Orgella, coordonnateur général du Conseil national de la société civile ayitienne (CNSCA), signataire des deux accords politiques, estime qu’il faut un accord plus inclusif que les deux premiers. Deux ans après la signature des deux accords et l’accession d’Ariel Henry à la Primature, monsieur Orgella rend responsables les autres acteurs qui n’ont pas paraphé les deux documents. Il croit qu’il faut un dépassement de soi de chaque côté pour arriver à une entente nationale.

Le défenseur des droits humains Pierre Espérance considère les deux ans d’Ariel Henry au pouvoir comme deux ans de négation du respect des droits humains. « Il y a une absence totale d’État de droit et de gouvernance. Le pays a reculé sur le plan de la sécurité. Il y a plus de personnes tuées dans des massacres pendant les deux ans d’Ariel Henry que pendant les quatre ans et demi de Jovenel Moïse au palais national », estime le directeur exécutif du Réseau national de défense des droits humains.

Le Dr Claude Joseph, qui avait passé le maillet au Dr Ariel Henry le 20 juillet 2021, estime que « les deux ans de la transition avec Ariel Henry à la Primature constituent deux ans de recul historique pour la nation haïtienne, deux ans d’aggravation de la crise multidimensionnelle que traverse notre pays, ce, à un triple points de vue.

Du point de vue politique, il s’agit de deux ans de dilatoires, de promesses non tenues, de mauvaise foi, d’incompétence et de pouvoir absolu. En effet, si au cours de cette transition deux accords ont été conclus, à savoir les accords politiques du 11 septembre 2021 et du 22 décembre 2022, il est cependant extrêmement important de faire remarquer que ces accords, qui ne sont d’ailleurs pas respectés, ont été signés entre Ariel Henry et ses amis ainsi que des alliés politiques ».

En outre, M. Joseph a dit constater qu’après deux ans de gouvernement de transition, tous les indicateurs socio-économiques sont au rouge. « Somme toute, les deux ans d’Ariel Henry au pouvoir constituent la page la plus sombre dans l’histoire d’Haïti », critique Claude Joseph.

Pour faire respecter certains points de l’accord du 21 décembre, tels la lutte contre l’insécurité et le rétablissement d’un climat propice à l’organisation d’élections dans le pays, le gouvernement mise sur une intervention d’une force militaire étrangère en Haïti. Malgré la signature de ces deux accords, Ariel Henry peine à former un Conseil électoral provisoire, un des points qui ne nécessite pas l’intervention de la communauté internationale.

 

Par Robenson Geffrard
19 juillet 2023 | Lecture : 5 min

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