Guerre des gangs en Haïti : Bernard Gousse évoque des actes « terroristes »

Written by on August 3, 2022

Publié le 2022-08-02 | lenouvelliste.com Me Bernard Gousse, ancien ministre de la Justice et de la Sécurité publique, qui s’est prononcé sur les actes des gangs armés dans le pays, lors d’une entrevue accordée à la radio Magik9, le vendredi 29 juillet, a soutenu qu’ils sont du domaine « terroriste », ayant un but bien déterminé.

Loin d’une bataille idéologique, les bandits qui sèment le deuil dans les familles haïtiennes posent des actions « terroristes », a affirmé l’ex-titulaire du ministère de la Justice et de la Sécurité publique, Me Bernard Gousse. « Au début nous pouvions dire que ce sont des jeunes garçons bourrés de problèmes, sans avenir, qui seraient empoisonnés par une idéologie. Mais on comprend très vite que cette idée est fausse, parce que s’ils étaient seulement animés par une idéologie, ils auraient des cibles bien précises qui feraient l’objet d’une aigreur, c’est-à-dire certains quartiers, personnages, symboles de l’État ou d’oppression sociale. Au contraire, ce sont les habitants (hommes, femmes et enfants) du quartier qui subissent. D’autres choses se trament », s’est inquiété Me Gousse, soutenant la thèse du « terrorisme ». « Nous avons vu que c’est une bataille de territoire dans laquelle personne n’est exempt », a-t-il fait savoir.

« À l’époque, il y avait des groupes qui se réclamaient d’une idéologie disant qu’ils faisaient de la résistance et pour influencer le gouvernement ils ont commis des crimes spectaculaires et ont essayé de prendre le contrôle de certains quartiers de la capitale. Aujourd’hui je continue de qualifier ce mouvement de terroriste parce que c’est la même logique. Il y en a qui disent défendre les gens les plus pauvres et c’est ce qui, selon eux, justifie qu’ils peuvent détourner des camions, prendre en otage le terminal de Varreux, mais au fond d’autres cartes se jouent, c’est-à-dire qu’il y a une bataille pour contrôler l’accès au port en vue de faciliter la continuité de la contrebande ; l’accès à la route internationale, c’est-à-dire Port-au-Prince/ Santo Domingo, Port-au-Prince/ Belladère. Des points stratégiques de notre approvisionnement qu’ils cherchent à contrôler soit à leur propre profit, soit au profit de groupes qui ne sont pas encore identifiés mais que nous supposons qui sont liés à des secteurs politiques dans la perspective électorale », a poursuivi M. Gousse.

Me Bernard Gousse qualifie de « terroristes » les actes des bandits parce qu’en outre ils s’assurent du relais de la terreur semée dans certains quartiers du pays. « Dès qu’on parle de terroristes il y a des actes spectaculaires qui soulèvent la peur  de la population, ou bien qui sont sujets à influencer le gouvernement.  Le troisième élément fondamental dans le cadre du terrorisme, il faut qu’il y ait la publicité pour que la peur s’installe dans la population. La peur qu’on veut installer au sein de la population, la terreur que l’on veut instaurer pour empêcher la population de vivre normalement, ne sera pas possible sans la publicité qui est organisée. La peur est relayée sur les réseaux sociaux ou dans les médias traditionnels », a expliqué l’ancien ministre de la Justice.

Les bandits usent d’armes de guerre pour mener leurs assauts. « Nous constatons qu’ils n’utilisent ni couteau ni machette pour faire la guerre. Ils le font avec des mitraillettes et des armes automatiques et chaque jour, ils en reçoivent beaucoup plus. Ce n’est pas le petit nègre qui marche avec des sapattes qui les achète. Il y a des personnes qui leur en fournissent », a fait remarquer Me Gousse, qui croit qu’il faut creuser pour découvrir ce qui se cache derrière la guerre des gangs. « Est-ce qu’il y a des gens qui, pour des objectifs soit commerciaux ou politiques, les alimentent en armes et munitions pour contrôler des vastes aspects du territoire ? », s’est-il demandé avant de souligner la connivence constatée entre les gangs et les politiques. « Même avant la présidence de Jovenel Moïse, il y avait une constance dans la vie politique haïtienne, c’est qu’il faut avoir une bande armée à son service pour arriver à se maintenir au pouvoir.  Qu’il s’agisse d’un CASEC, d’un magistrat communal, d’un député, d’un sénateur ou d’un président, tous les groupes politiques dominants, qu’il s’agisse du secteur gauche, droite ou du PHTK, etc,. ils l’intègrent dans leur mode de fonctionnement qu’il faut qu’il y ait des hommes armés à leur solde pouvant leur permettre de contrôler des territoires, arriver au pouvoir et le maintenir », a-t-il ajouté. Me Gousse croit que cette situation a donné lieu à la prolifération et la fédération des gangs.

« Ceux qui ont construit cet enfer ne peuvent pas trouver la solution. Les pro et les opposants à Jovenel Moïse utilisaient les mêmes moyens. Il faut clairement identifier les individus de ce secteur politique qui emploie la violence, ils n’ont pas le droit de prendre part au dialogue politique », a tranché Me Gousse, qui ne s’en tient pas qu’à l’interne. « Concrètement on parle des armes, d’où viennent-elles ? Il n’y a pas 50 ports aux États-Unis qui envoient des bateaux en Haïti. les trois quarts des armes sont des armes américaines. Les bateaux sont en provenance des États-Unis. Lorsqu’on parle des armes en circulation, pourquoi les personnes qui émettent cette critique ne font pas un travail au niveau de leur pays ? Il ne faut pas attendre grand-chose de l’international parce que ce sont des cyniques, ils s’occuperont de nous si un bon jour un million de personnes débarquent sur la plage de la Floride; tant qu’on ne représente pas cette menace ils ne nous laisseront pas nous organiser de part nous-mêmes. Cela veut dire que nous devons compter sur nous mêmes parce que les autres sont des cyniques », a prévenu Me Gousse, qui a ajouté qu’il faut prendre possession de l’Etat afin de combattre le « terrorisme » dans le pays.


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